Voici en résumé, quelques éléments saillants des principes et valeurs de GODEFROID MUNONGO :

Tout être humain hérite de valeurs et de principes qui forment le caractère. Godefroid Munongo était attributaire des valeurs et principes Yeke, tout comme il fut influencé par la religion chrétienne et les expériences de la vie.

Durant toute sa vie, Godefroid Munongo était conduit par ces forces hétérogènes qui pourtant firent de lui un homme constant dans ses pensées et son comportement. Il était honnête, direct, et sans ambages. Sa fidélité à la tradition Yeke et sa foi en Dieu, l’aidèrent à surmonter bien des défis, tels que les contradictions d’une enfance glorieuse au sein d’un peuple opprimé par les colons, l’éducation à Kisantu, loin de sa terre natale, les accusations mensongères faites par le clergé contre son père, sa participation dans la Confédération des Associations Tribales du Katanga (CONAKAT), le rôle qu’il joua dans la sécession du Katanga,  l’emprisonnement à Bula Bemba (prison située sur un ilot dans l’estuaire du fleuve Congo), les vicissitudes de la vie, et l’ascension au sommet du royaume Yeke. Cette multiplicité expériencielle, culturelle, religieuse, et traditionnelle a fait de lui un homme exceptionnel dans le contexte où il a vécu.

Fier d’appartenir à une culture africaine riche, il était cependant l’incarnation du multiculturalisme, comme nombre d’africains de son époque. Tantôt à Bunkeya, où il était pleinement engagé dans la tradition Yeke avec toutes ses méandres, tantôt dans les capitales occidentales, qu’il visitait en villégiature ou en voyage de travail. Il n’y avait aucune contradiction dans ce cheminement en zig-zag.

Godefroid Munongo était d’une générosité rare. Pour comprendre d’où émanait cette qualité, il faut revenir à Bunkeya, où les rois yeke et les notables devaient venir en aide aux plus démunis. Il faut retourner à son incarcération à Bula Bemba, période tragique, qui sans doute lui enseigna beaucoup sur la vie et la précarité de celle-ci. Il faut aussi y inclure sa formation au sein de l’église, où les enseignements chrétiens instruisent les fidèles sur les actions de Jésus Christ, que chacun à des degrés différents est inspiré à émuler. Durant toute sa vie, Godefroid Munongo nous apprenait des léçons : sur la générosité, l’altruisme, l’amour du prochain, l’humilité et le respect dû aux employés, aux ainés, comme aux plus jeunes. Le respect se mérite, disait-il.

Godefroid Munongo était d’une simplicité surprenante. Il était courtois et extrêmement poli. Il était constant dans ses gestes et digne dans son comportement, même à la maison, où il appelait les garçons par leurs prénoms et les filles par l’usage poli de ‘Mama’. On ne s’attend pas à voir quelqu’un de sa stature se comporter ainsi. Mais d’une manière assez étrange, les gens lui rendaient copieusement ce même respect que lui leur donnait. De sa réserve et de sa simplicité, émanait une force indescriptible.

Bien qu’il était courtois, quand quelqu’un lui manquait de respect, il était très ferme et direct. Sa colère était légendaire, mais elle n’était pas sans fondement. Pas une seconde ne passait sans qu’il ne fasse remarquer son mécontentement et ne remette à leur place ceux qui lui avaient manqué de respect. Il ne cachait que rarement son irritation.  Tout le monde le savait quand il était faché, car sa voix ne pouvait masquer son humeur. Quand il était furieux, celle-ci grondait tel un tonnere dans la nuit. Même en public, les fautifs en avaient pour leur compte. Il n’hésitait pas à les réprimander, en expliquant bien quelle était la faute commise. Cela était dur pour certains, mais quand la faute était exposée, il était difficile d’argumenter ou de chercher des échappatoires.

Toutefois, Godefroid Munongo n’était pas infaillible. En privé, il arrivait que notre mère lui rappelle qu’il avait commis une erreur ou qu’il avait été trop dur envers une personne. Chose faite, il disait simplement, « j’ai compris », « Nateleka », en kisanga. Et cette phrase prononcée, il avait fait une sorte de ‘cure d’âme’ et était prêt à tourner la page. Souvent, il rencontrait la personne en question, et leur disait exactement ce que notre mère lui avait dit, en trouvant une formule de contrition appropriée et dosée. Il était humble dans tous les aspects et n’hésitait pas à dire, » j’ai fait une erreur », « Nabifya » en kisanga. C’était de courtes phrases qui en disaient long sur sa prise de conscience.

Sa formation traditionnelle
Godefroid Munongo acquit de ses pères KITANIKA et MUTAMPUKA (Futur MUSANFYA), pour ne nommer qu’eux deux, la meilleure des éducations traditionnelles. Ces derniers s’attelèrent à enseigner au jeune Mwanangwa les us et coutumes des Bayeke, l’histoire et le Buyeke (terme générique qui regroupe tout ce qui distingue les Bayeke). Ils lui montrèrent et démontrèrent les différentes applications du système judiciaire Yeke et sa dispensation. Ils lui apprirent aussi la langue, le Kiyeke, qu’il parlait couramment. D’eux, il apprit une multitude de choses, notamment sur l’histoire, et sur la gestion des dynamiques humaines.

Sa routine journalière
Chaque jour, Godefroid Munongo était eveillé à cinq heures du matin. Si tôt avait-il porté son peignoir et ses chaussons, qu’il s’en allait à l’extérieur pour éteindre les lumières et faire sa prière matinale qui ne durait pas moins d’une heure. Des fois, après la prière, il en profitait pour converser avec les scentinelles, qui lui exposaient leurs problèmes ou lui faisaient leurs observations sur des sujets divers. Il répétait ces gestes chaque jour. Dépendant du lieu où il se trouvait, il allait soit sur la terrasse, ou dans le jardin pour ainsi prier. Quand le climat était inclément, il lisait la bible en privé. C’était une routine à laquelle nous étions accoutumés. En temps de liesse ou de tristesse, il remettait toute gloire entre les mains de Dieu.

Sur l’éducation
Godefroid Munongo était de la génération qui mettait un grand accent sur l’éducation.  Il rappelait à tout le monde, y compris nous, ses enfants, combien les études lui avaient permis de gravir les échelons de la société Katangaise. N’eût-été son éducation, Godefroid Munongo n’aurait jamais été l’homme dont l’histoire se rappelle. Les études étant la plus grande garantie pour le succés, il ne cessait d’encourager tous ceux qui étaient en âge d’aller à l’école de s’appliquer. Il donnait les moyens, tant financiers que logistiques, à tous ceux qui avaient la volonté d’aller à l’ecole. Il payait les frais de scolarité pour une multitude d’enfants et de jeunes adultes, sous la seule condition qu’ils réussissent. Il disait, « étudiez, afin que vous ne soyez le sujet de personne ».

La Famille
Godefroid Munongo ne faisait aucune distinction entre les membres de la famille. Sa mémoire indéfectible lui permettait de se rappeler des différentes lignées, des ancêtres, et des salutations yeke (les Lukesho) qui convenaient pour chaque personne Yeke qu’il rencontrait. Godefroid Munongo ne supportait pas les divisions familiales, surtout quand il s’agissait de la famille de M’SIRI. Son plus grand souhait était que les descendants de M’SIRI se connaissent, qu’ils se fréquentent, qu’ils s’épanouissent au Katanga, et qu’ils cessent de s’identifier comme étant descendant de tel ancêtre ou de telle lignée. A ses yeux, tous les descendants de M’SIRI n’étaient qu’un et devaient restés unis.

Sur le Katanga
Le même soucis que Godefroid Munongo avait pour sa famille, il l’avait pour le Katanga. Il abhorrait les tendances divisionnistes au sein de la famille Katangaise, car ce sont ces scissions qui furent, partiellement, les causes de l’échec de la sécession Katangaise (1960-1963), dont Godefroid Munongo et ses amis étaient les architectes. Il prônait le succès du Katanga en tant qu’Etat indépendant ou au sein d’un système confédéral. Mais tant que les filles et les fils du Katanga seront divisés, disait-il, ces idéaux ne seront que des vœux pieux, et au bout du compte, les Katangais seront les perdants, et du Katanga il ne restera que le nom.

La loyauté
Godefroid Munongo liait l’acte à la parole. Il était fort admirable de le voir maintenir des amitiés de longue date avec ses « frères d’armes », et ceux avec qui il avait travaillé pour la grandeur du Katanga. Etant jeunes enfants, il nous emmenait rendre visite à ses frères, nos Baba : Sapwe, Kishiba, Kibwe, Kambola, parmi d’autres. Et chaque jour, dans ses conversations ou lors des prières qu’il faisait vers 18 heures en conduisant, nous récitions le ‘Notre Père’ ensemble, et chantions un hymne en latin qu’il nous avait appris. Au bout de sa prière, il ne manquait jamais de prier pour ses amis défunts : Tshombe, Kimba, Mutaka, et d’autres. Nous, ses enfants, n’avions jamais connu ces gens, mais nous les respections, car nous savions combien ils étaient importants à ses yeux. C’était à travers un enseignement tacite et régulier qu’il nous apprenait toutes ces choses. Son amour pour le Katanga était contagieux et indéfectible, tout comme sa loyauté pour ses frères.

Sur la Mort
Vers ses derniers jours, quelques semaines avant sa mort subite à Kinshasa, Godefroid Munongo avait à maintes reprises songé à sa propre mortalité et avait partagé avec ses sœurs et quelques proches que ses jours étaient comptés. Pressentait-il quelque chose ? Sans l’ombre d’un doute. Une chose est certaine, il savait que la mort, des fois, vient tel un voleur dans la nuit pour dérober ce que l’on a de plus précieux. Godefroid Munongo est mort subitement, mais il était ce que beaucoup, y compris moi et ma famille, avions de precieux.

Fidèle à la pensée des Bayeke, Godefroid Munongo n’est pas mort. Son corps n’est plus de cette terre, mais nous gardons de lui ses pensées, ses espérances pour le Katanga, pour sa famille, pour le royaume. Et à travers cela, il vit. Nul ne pourra altérer ce que cet homme, faillible comme tout homme, a fait pour le Katanga, le Buyeke, et pour tant de gens.

Nous remercions Dieu que Godefroid Munongo ait vécu.